à propos

Opus incertum

D’abord, il y a l’eau, la fluidité de l’eau, la diffusion de l’encre, des couleurs, dans ce milieu improbable. L’eau et le papier. L’extrême légèreté et le pouvoir absorbant des papiers de Chine ou du Japon. Tout se passe dans le dialogue entre ces deux éléments.

Le troisième terme, c’est mon regard, à l’affût d’émotions.

Capter l’insaisissable. Provoquer, en les juxtaposant sur la plaque de verre, l’affrontement de deux masses colorées, et saisir, souvent par étapes, leur rencontre, leur interpénétration, les moments successifs de leur mélange. Ca ne dure pas très longtemps. Quelques secondes… Il y a là quelque chose à saisir au vol. Puis le travail continue de se faire, beaucoup plus lentement, sur le papier, le temps du séchage. Je n’y interviens pas.

Le résultat ? Il tient la route, ou pas. Ca passe ou ça casse. Et si ça casse, qu’à cela ne tienne! Ca se déchire, en morceaux plus ou moins grands, ça peut se coller, se juxtaposer, à la manière dont les maçons assemblent les pierres aux formes incertaines. Ils appellent cela « opus incertum ». Cette incertitude me parle. C’est donc un autre travail, un travail de reconstruction, de composition, où le hasard reste certes à l’oeuvre dans l’aléa des déchirures, mais où la part du regard est plus importante. Il s’agit de mettre ensemble, de trouver des accords de tons, des rythmes, des contrastes et des correspondances, pour qu’advienne une oeuvre, un ouvrage, qui à son tour tienne debout.

Quelle en est la finalité ? Difficile de répondre à cette question. Pour moi, ce n’est en tout cas pas représenter, figurer, désigner, Je ne sais pas le faire dans ce registre. Ce que je cherche se situe plutôt dans le champs des émotions. Ca serait créer un espace qui invite à y entrer…

Laisser un commentaire